Discours - conférencière :Mme Micheline Bouchard, présidente et chef de la direction, ART Recherche et Technologies Avancées inc.L'art du pouvoir


Discours prononcé par Mme Micheline Bouchard
Présidente et chef de la direction, ART Recherche et Technologies Avancées inc.

Le 10 octobre 2002

L'art du pouvoir

Je vous remercie beaucoup pour cet accueil formidable et pour votre présence ici aujourd'hui.  

Lorsque Louise St-Laurent m'a invitée à prononcer ce discours, j'ai été emballée et honorée.  Ensuite, je me suis demandée : «Quels sujets pourraient réellement avoir un effet sur mon auditoire?»  Qu'est-ce que  je pourrais lui dire pour que les personnes présentes sortent d'ici avec une autre façon de penser d'eux-mêmes, dans un sens plus positif?

J'ai pensé à un sujet susceptible d'avoir ce genre d'effet, et c'est un sujet que je possède très bien après toutes ces années d'apprentissage.  Il s'agit de l'art du pouvoir.

Plusieurs d'entre nous, ne sommes pas conscients du pouvoir que nous possédons.  Plusieurs d'entre nous, acquérons des compétences dans un domaine et devenons des experts.  

Par exemple, il y a sûrement parmi vous d'excellents comptables, des avocates compétentes ou des directrices de ressources humaines.  Peu importe notre champ d'expertise, on y tient.  Trop souvent, on ne se considère pas comme des chefs de file.  On ne se rend pas compte que nous détenons des pouvoirs à l'intérieur de nos entreprises ou à l'extérieur.

Il ne faut surtout pas fixer de limites à notre potentiel.  Comme l'a si bien dit Eleanor Roosevelt : «Personne ne peut vous faire sentir inférieur sans votre consentement».  Si vous avez une contribution à apporter, ne tracez pas de ligne autour de vous en disant : «J'irai jusque là, mais pas plus loin».

Toutefois, il n'est pas facile d'étendre sa sphère d'influence.  Quelques personnes semblent se précipiter au sommet de l'échelle hiérarchique.  D'autres conservent tout simplement leur place.

Si vous avez envie de diriger, si vous avez envie de vous mesurer à un éventail élargi de décisions, il existe des façons d'atteindre vos objectifs.  En fait, mon message est le suivant : vous pouvez étendre votre sphère d'influence et obtenir du succès en mettant en pratique et en perfectionnant «l'art du pouvoir».

Je commencerai par répondre à cette question : «Qu'est-ce que le pouvoir?»  Ensuite, je vous présenterai mes vues sur les façons de perfectionner et de mettre en pratique l'art du pouvoir.

Qu'est-ce que le pouvoir?

D'abord, qu'est-ce que le pouvoir?  Selon moi, le pouvoir est la capacité d'une personne à influencer les gens et les événements.  Ce n'est pas simplement détenir un titre ou occuper un bureau important. 

Certains premiers ministres, présidents et chefs d'entreprise ne sont pas à la hauteur du rôle de dirigeant qu'impose leur poste. Par contre, d'autres personnes occupant les mêmes fonctions réussissent à exercer un pouvoir formidable.

Pour certaines personnes, le pouvoir commence par la force de leurs convictions.  Lorsque Nelson Mandela a été libéré de prison, il était le personnage le plus populaire d'Afrique du Sud.  Son opposition inébranlable à l'apartheid lui a valu le respect du monde entier.  Et son remarquable réseau de partisans en Afrique du Sud a su confirmer son influence.

Je fais référence à cet exemple, car certaines personnes considèrent encore le pouvoir comme étant un élément négatif.  Il peut le devenir, s'il tombe dans de mauvaises mains.  Comme le cas d'une personne qui domine un groupe.

Toutefois, si vous êtes capable de compassion, le pouvoir favorisera votre aptitude à influencer de façon positive.  Plus vous utiliserez votre pouvoir pour aider les autres, plus vous aurez la conviction de pouvoir déplacer des montagnes.

Je me souviens d'une occasion où j'ai contribué à déplacer une montagne.  En 1994, une adolescente de Montréal, Tara Manning, était violée et poignardée à mort à l'âge de 14 ans.  Le principal suspect refusait de se livrer aux tests d'ADN.  Il pouvait s'y soustraire en vertu de la Charte canadienne des Droits et Libertés.  

Le père de la victime, Michael Manning, voulait mener une campagne  nationale pour rendre obligatoire les tests d'ADN.   Un an plus tard en mai 1995, la mère de Manning m'a demandé de l'aide.  

J'ai immédiatement accepté d'aider le père, et j'ai formé un groupe de soutien pour orchestrer et supporter la campagne nationale de Michael Manning.  Grâce à mon réseau de contacts et d'amis, j'ai pu compter sur des appuis extraordinaires.  

Résultat?  En un délai record, 3 mois à la suite de ma première rencontre avec Manning, la Chambre des communes à Ottawa  adoptait une loi exigeant des tests d'ADN dans le cas de crimes violents. Le principal suspect a été formellement accusé de meurtre à la suite des résultats de ces tests et est maintenant en prison à vie.  Nous venions de déplacer une montagne.

Acquisition du pouvoir

Voilà comment je définis le pouvoir, et j'estime que cette définition est très stimulante. Je me permettrai  de puiser dans ma propre expérience pour vous indiquer les façons d'acquérir le pouvoir.  «L'art du pouvoir» est le reflet de quatre attitudes gagnantes.

a.  Ayez confiance en vous

Avant tout, c'est une question de confiance en soi.  Peu importe ce que vous faites dans la vie, vous aurez affaire à des critiques et à des opposants.  C'est particulièrement vrai, si vous avez l'audace d'élargir votre  sphère d'influence.    Vous aurez besoin d'avoir confiance en vous pour arriver à vos fins.

Lorsque j'étais enfant, mon père m'encourageait à jouer avec des mécanos.  Un jeu de mécanos n'était pas un jouet fréquent pour une fille.  Mais mes parents ne voyaient tout simplement pas de différence entre mon frère et moi à cet égard.  C'est avec ce jeu de construction que j'ai acquis la confiance en mon aptitude à concevoir et à bâtir des structures, et à les visualiser dans l'espace.  

A l'âge tendre de 14 ans, j'ai visité l'École polytechnique de Montréal et aperçu une énorme grue hydraulique.  Il s'agissait d'une machine expérimentale, conçue pour lever de très lourdes charges.  À mes yeux, c'était comme un immense jouet mécanique.   Et c'est à ce moment que j'ai choisi d'orienter ma carrière en génie.

Plusieurs des amis de mes parents prétendaient que le génie n'était pas vraiment un bon choix de carrière pour une femme.  Mais mes parents ont appuyé ma décision en disant : «Elle est capable de faire ce qu'elle veut.»  Cette réaction a aidé à développer mes propres forces.  Et j'en avais besoin pour relever les défis qui m'attendaient.  

Une fois mon diplôme obtenu, la recherche d'un emploi m'a de nouveau forcé à développer ma force intérieure ou ma confiance en moi.  Lorsque je suis arrivée sur le marché du travail, je ne parvenais pas à trouver d'emploi, même si mes camarades de classe masculins étaient tous embauchés.  J'ai passé 15 entrevues et les ai toutes échouées.  

Finalement, Hydro-Québec, qui avait rejeté ma candidature dans une première entrevue, est revenu sur sa décision et m'a offert un emploi.  Le salaire était modeste et personne d'autres ne voulait le poste.  Je le savais, mais j'étais heureuse d'avoir un emploi.  L'expérience du rejet, a constitué un apprentissage positif, en renforçant ma détermination personnelle.

Pendant plusieurs années, je suis demeurée au bas de l'échelle.  On a ignoré ma candidature à une promotion que j'estimais mériter (et je n'étais pas la seule).  La personne qui a obtenu le poste est devenue mon mari.  Même si c'est lui qui a eu l'emploi, il a toujours été d'avis que j'étais la personne à qui la promotion revenait.

Comment ai-je réagi lorsqu'on m'a ignorée?  J'étais furieuse.  Je me suis d'abord considérée comme une victime.

Cependant, grâce aux précieux conseils d'un collègue et ami, j'ai décidé de ne plus me considérer comme une victime.  J'étais déterminée à tirer profit de ma force intérieure.  

J'ai regardé en avant, vers mon succès à venir, plutôt que derrière, où se trouvaient les problèmes auxquels j'avais dû faire face.  

Souvent, les femmes se perçoivent comme des victimes.  La confiance en soi reste la clé de la solution.   Parfois, le fait de changer son attitude n'est pas suffisant.  Il faut aussi changer sa situation.

Si vous ne vous sentez pas heureux ou heureuse dans votre environnement professionnel, changez d'emploi, changez d'entreprise.  Mais par-dessus tout, préservez votre enthousiasme et votre confiance en vous-même.    

Par exemple, lorsque j'ai quitté Hydro-Québec pour me joindre à une excellente entreprise de technologie de l'information, j'ai senti chez moi un certain degré de frustration, je me suis sentie limitée après seulement 12 mois.  J'ai donc conclu que je n'étais pas au bon endroit et que je devais me trouver un autre emploi.    C'est à ce moment que j'ai commencé à me servir de la visualisation positive.

Je me répétais constamment : «Je suis la vice-présidente à la mise en marché d'une entreprise de haute technologie en pleine croissance».  Lorsque je passais des entrevues chez des employeurs éventuels, c'est exactement ce qu'ils voyaient en moi.  

Non pas une personne qui espérait être considérée comme la vice-présidente à la mise en marché, mais bien comme une personne qui se conduisait comme tel.  C'est de cette façon que j'ai obtenu le poste chez DMR.  C'est de cette façon que vous pouvez réaliser votre rêve.
Tout cela remonte à plus de dix ans.  Plus tard, ma fille qui avait alors dix-sept ans mettait la main sur un bout de papier où j'avais inscrit mon énoncé positif. Elle m'a demandé ce qu'était la visualisation positive.  Aujourd'hui, elle s'en sert dans ses amours comme dans d'autres aspects de sa vie.  

La façon dont vous vous percevez est également celle dont les autres vous perçoivent.  Si des gens de votre entourage tentaient de miner votre confiance en vous-même, ne leur donner pas ce pouvoir… particulièrement ceux dont vous ne respectez pas les opinions ni les valeurs.  Comme l'a dit Mark Twain, «Méfiez-vous des gens qui essaient de vous rabaisser.  Les personnes de second ordre le font toujours, mais les grands personnages vous font ressentir que vous aussi, pouvez le devenir.»

b. Cherchez des occasions de prendre la tête

L'art du pouvoir exige une deuxième attitude gagnante: trouver des situations où vous pourrez être un meneur, une meneuse.  Foncez et démarquez-vous dans les domaines où vous êtes engagés avec passion.  Montrez que vous avez les talents de meneur dans ces domaines, et vous constaterez que votre réputation et que votre pouvoir augmenteront à tous les autres niveaux.

Au cours des années 1980, mon ascension au sein de l'échelle d'Hydro-Québec était très lente. Il m'a fallu plus de dix ans pour recevoir ma première promotion.   Mais j'étais de plus en plus engagée au sein de mon association professionnelle, l'Ordre des ingénieurs du Québec.

Ces activités ont mené à mon élection à titre de présidente de l'Ordre.  Je n'avais que trente ans, mais mes activités dans le cadre de ma profession d'ingénieur ont marqué un point tournant de ma carrière. Je me rendais compte que je pouvais former une équipe composée d'éléments divers.  Et j'étais en mesure d'aider cette équipe à collaborer et à fixer des objectifs communs.  

Les ingénieurs m'exprimaient leur appréciation.  A cette époque, les activités de l'Ordre étaient peu connues, mais nous avons commencé à accroître notre présence sur la place publique.  A plusieurs reprises, j'ai représenté la profession à des sommets économiques.

Peu après,  en grande partie parce que j'avais prouvé mes qualités de chef de file à l'Ordre des ingénieurs du Québec,  j'ai été invitée à joindre le conseil d'administration de la Chambre de commerce de Montréal.  Et peu après, j'étais élue Vice-présidente.  Je travaillais avec plaisir avec des dirigeants d'entreprises.  Et j'étais heureuse de jouer un rôle prépondérant dans les initiatives visant à renforcer l'économie montréalaise.

En somme, j'avais cherché et trouvé des situations où j'étais en mesure d'affirmer mes qualités de chef.  Graduellement, mon aire d'influence s'élargissait.

Par la suite, on m'a invitée à joindre des conseils d'administration de compagnies.  C'est ma réputation, édifiée par les gens qui m'ont vu à l'oeuvre, qui m'a permise de siéger à ces conseils.  Je suis devenue administratrice de compagnies bien avant que je ne devienne Présidente et chef de la direction d'une compagnie.

Il semble que la réputation soit encore plus importante pour les femmes que pour les hommes.  Nos qualités de chef doivent être largement visibles pour être reconnues.  Nous les femmes, devons non seulement être compétentes, mais l'être ostensiblement.

c. Laissez votre vision vous guider

La troisième attitude gagnante pour maîtriser l'art du pouvoir est la vision.  Les leaders ne s'attardent pas sur les détails.  Ils accordent la priorité à la vue d'ensemble.  Sans vision, votre aptitude à mener et votre pouvoir seront toujours  limités.  

Vous pouvez étendre vos horizons à l'intérieur de votre entreprise en participant à des projets stratégiques, articulés autour de plusieurs activités ou services.  Les gens qui ont un sens aiguisé de la vue d'ensemble acquièrent du pouvoir, car leur vision les aide à guider de nombreuses personnes ou groupes.

Au cours de mes dernières années à Hydro-Québec, j'ai commencé à jouer un rôle davantage stratégique. J'ai été membre d'un groupe de travail dont le mandat consistait à élaborer un plan de mise en marché pour vendre les surplus d'électricité.  Cette participation m'a valu d'être reconnue à titre de collaboratrice à la création d'une stratégie globale, non seulement pour mon unité administrative, mais pour l'ensemble de l'entreprise.

Cette expérience allait me servir dans ma carrière.  Aujourd'hui, penser stratégiquement est devenue l'une de mes forces.

Après quelques années chez DMR, j'ai joint Hewlett-Packard Canada, à titre de vice-présidente à l'exploitation au Québec et également, un an plus tard, comme Vice-présidente au développement des affaires.  

Plusieurs personnes chez HP connaissaient mieux les produits que moi, mais j'ai tenté d'élargir la perspective de mon poste.   En fait, je pensais (et je le pense encore) qu'il était plus important pour moi de connaître à fond nos marchés et nos clients, que de bien connaître un serveur UNIX ou une imprimante laser.

Ce dont j'ai été le plus fière, c'est d'avoir dirigé le développement d'une vision à laquelle tous les membres de mon équipe pouvaient adhérer. Nous avons très bien travaillé ensemble, nous partagions une vision commune et nous avons atteint nos objectifs. Et c'est de la même façon, qu'à la direction de Motorola Canada, j'ai piloté l'élaboration du plan stratégique qui devait nous amener à doubler le chiffre d'affaires de $800 millions à 1,6 milliards de dollars en trois ans.

Aujourd'hui, au sein de ART j'ai adopté cette approche stratégique au développement de l'entreprise. Même si notre équipe est petite, quelques cinquante personnes, nous avons une vision commune et un plan stratégique pour nous guider vers le succès. Pour atteindre des sommets, il faut voir grand et loin sinon on limite ses horizons.

d. Agrandissez votre réseau de collaborateurs

Ce qui m'amène à la quatrième et dernière attitude sur lesquelles repose l'art du pouvoir : bâtir un réseau de soutien.  Vous devez faire appels à d'autres pour des conseils et des appuis.  Le réseau contribuera à l'avancement de votre carrière.  Les femmes ne sont pas gênées pour demander des indications routières, mais elles éprouvent souvent de la difficulté à demander l'appui des autres.

Personne ne peut réussir seul.  Comme l'a dit la grande joueuse de tennis Althea Gibson : «Peu importe l'accomplissement, quelqu'un vous a aidé.»  

Pour moi, ce réseau de soutien commence à la maison  auprès de ma famille. Il est possible d'occuper un poste en vue et de vivre intimement en famille.  Mais je suis la première à admettre que parfois cette combinaison n'est pas gagnée d'avance.

Depuis que j'ai rencontré mon mari, il a toujours été présent à chaque tournant de ma carrière.  Nous formons une famille unie.  Ces dernières années je n'ai pas eu l'occasion de voir ma fille et mon fils aussi souvent que je le souhaitais.  Néanmoins, nous avons toujours maintenu le contact et de temps à autre, nous voyageons ensemble.  Ces moments de rapprochements sont fantastiques.

Mon réseau de soutien dans le monde des affaires est très étendu.  En plus de faire partie de conseils d'administration de compagnies, j'ai été active au sein d'associations en génie, de groupes d'affaires et de regroupements de femmes pendant de nombreuses années.

Mais il ne s'agit pas de mes seuls réseaux.  J'ai des amis formidables, j'entretiens des liens étroits avec ma parenté et j'ai la chance de travailler avec des collègues fantastiques.  Je vous salue tous aujourd'hui, ami(e)s et collègues et je vous remercie pour votre amitié et votre appui.

Conclusion

Permettez-moi de conclure par le message suivant : à mesure que s'élargit votre sphère d'influence, vous aurez plus de chances de réussir si vous adoptez un ensemble d'attitudes sur lesquelles repose ce que j'appelle «l'art du pouvoir».

Ayez confiance en vous . . . cherchez des occasions de prendre la tête et de mener,  . . laissez votre vision vous guider et développer un réseau de soutien.  Avant tout, adoptez une attitude gagnante.  

J'estime que la vie est composé à 10% de ce qui nous arrive et à 90% de la façon dont nous y réagissons.  Vous avez la maîtrise de votre vie.  Adoptez cette attitude gagnante et vous transformerez votre influence en pouvoir.  

Je vous souhaite bonne chance et je vous remercie de votre attention.  

 

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