Discours - conférencier :M. Roch Denis, recteur, Université du Québec à MontréalVers un véritable pôle universitaire montréalais


Discours prononcé par M. Roch Denis
Recteur, Université du Québec à Montréal

Le 9 mai 2002

Vers un véritable pôle universitaire montréalais

Mesdames et messieurs,
Chers amis de Montréal et des universités,

Je vous remercie d'être ici, à si bonne heure, pour entendre parler du développement universitaire de Montréal. Je tiens à remercier la Chambre de commerce du Montréal métropolitain et son président, monsieur Benoît Labonté, d'encourager les tribunes de réflexion et de débats analogues à celle-ci et au Symposium de la semaine dernière. Nous avons besoin de tels lieux d'élaboration de projets. Il faut des «plans d'affaires» pour développer Montréal mais nous avons aussi besoin de «plans d'idées» pour stimuler ce développement! Je constate avec plaisir que vous êtes plusieurs à partager la passion de notre grande région montréalaise, notamment mes collègues des autres établissements universitaires, plusieurs acteurs et intervenants de Montréal et des partenaires de l'UQAM, que je salue.

Montréal, une grande ville universitaire

Ce matin, je veux partager avec vous une réflexion sur une idée toute simple à propos de Montréal et de ses universités. Une idée toute simple et pourtant, à mes yeux, combien emballante : celle de renforcer la coopération entre les établissements universitaires de Montréal. Pourquoi? Parce que si nous faisons plus de choses ensemble, nous donnerons plus d'ampleur à la contribution universitaire de Montréal. Nous ferons davantage pour la qualité de la formation et de la recherche, pour la relève, pour la qualité de la vie économique, sociale, culturelle et démocratique de notre cité. Ce que j'ai en tête, c'est moins un projet de structure que l'affirmation d'un esprit d'initiative, d'une volonté de mise en commun des efforts de nos établissements sur des objets à définir ensemble.

Montréal, nous le savons, est une des grandes villes universitaires d'Amérique du Nord. Comme l'a rappelé Jacques Girard récemment (1), Montréal est celle qui compte le plus d'étudiants universitaires per capita et on estime qu'un de ses travailleurs sur quatre est diplômé universitaire. Elle accueille quatre universités  à vocation générale: l'Université de Montréal, McGill, Concordia et l'UQAM ainsi que six écoles et instituts de calibre international : l'École Polytechnique, l'École des Hautes études commerciales (HEC), l'École de technologie supérieure (ÉTS), l'École nationale d'administration publique (ÉNAP), la Télé-Université (TELUQ) et l'Institut national de la recherche scientifique-Institut Armand-Frappier (INRS-IAF). À moins de deux heures de Montréal — une distance qui ne compte pas pour toute métropole régionale internationale — on retrouve également l'Université de Sherbrooke et l'Université du Québec à Trois-Rivières. Montréal abrite aussi le siège de l'Agence universitaire de la francophonie (AUF), le nouvel Institut de la statistique de l'UNESCO ainsi que ORBICOM, le Réseau international des chaires UNESCO en communication. La vingtaine de cégeps et collèges s'intègrent, ne l'oublions pas, au grand réseau de l'enseignement supérieur montréalais.

L'activité intellectuelle, scientifique et créative est intense à Montréal. Les établissements universitaires y réunissent un bassin de 5 000 professeurs et chercheurs, une concentration de "cerveaux" exceptionnelle, située au confluent des traditions intellectuelles nord-américaines et européennes. Plus de quatre cents centres de recherche sont installés à Montréal, qui a accueilli cette année 12 000 étudiants étrangers, plus que toute autre ville canadienne. Mon Université, à elle seule, forme près de 20 % des étudiants étrangers que compte Montréal.

Lorsque l'on regarde l'évolution du nombre de publications scientifiques en provenance des vingt principales villes canadiennes, on constate qu'après avoir suivi une progression presque similaire à celle de Toronto jusqu'en 1993, le rythme de croissance de Montréal semble avoir, depuis, dépassé celui de sa voisine canadienne (2). Les quatre universités montréalaises à vocation générale ainsi que HEC, Poly et l'ÉTS (3) ont généré, à elles seules, une moyenne annuelle de 344 millions de dollars en subventions et contrats de recherche entre 1997 et 2000.

Ces sept établissements ont encadré annuellement près de 20 000 étudiants de 2e et de 3e cycles pendant cette même période (4). En 2000, ils ont diplômé 4 746 étudiants de maîtrise et 1 090 nouveaux docteurs (5). À l'automne 2001, ils accueillaient très exactement 142 558 étudiants; je devrais d'ailleurs dire "étudiantes", puisque cette population est à 58,4 % féminine (6). À Montréal, les étudiants ont accès à un éventail de programmes de 2e et de 3e cycles couvrant largement tous les domaines du savoir. Plus d'une quinzaine de programmes de maîtrise et de doctorat sont offerts en collaboration entre les établissements. L'UQAM est fière de participer à la plupart d'entre eux.

Montréal abrite plus de soixante-dix organisations internationales et elle a su créer des alliances novatrices dans plusieurs secteurs porteurs, qui ont maintenant valeur d'identification internationale, comme celui des sciences de la vie, par rapport auquel, comme vient de l'annoncer le président de Montréal International, les projets de développement sont extraordinaires.

L'Université McGill a démontré que la venue d'étudiants étrangers, de même que les subventions de recherche de l'extérieur sont source d'une activité économique très importante. En 1995-1996, elles ont entraîné, de la part de McGill seulement, des dépenses de 616 M $ (7). En même temps, les besoins sont grands et le temps nous presse. Le recteur Lacroix a mis en évidence, lors du récent Symposium de la Chambre, le grand défi que représente la forte demande de nouveaux docteurs.

Faire plus ensemble pour accroître notre présence ici et dans le monde

Montréal, de plus en plus, s'affirme donc comme un centre universitaire majeur au plan international. L'offre de programmes et le déploiement en recherche de ses établissements sont dans le peloton de tête des universités de fort calibre dans le monde.

Mais justement, après trente années d'avènement à maturité, l'heure est venue de réfléchir au positionnement stratégique de nos établissements pour leur permettre de donner, avec encore plus d'élan et plus d'efficacité, leur plein potentiel.

Le mode de développement des universités depuis trois décennies a été largement institutionnel. C'est-à-dire que le développement de chaque établissement, additionné à celui des autres, constitue une somme qui sert à mesurer nos progrès. Dans ce mode, la concurrence entre établissements qui s'exerce, d'une part, sur la base commune des financements publics pour les subventions de fonctionnement comme pour la recherche et, d'autre part, sur les bases complémentaires des soutiens privés, des fondations ou de la communauté, a été utilisée comme levier de développement. La course aux clientèles étudiantes se situe au cœur de ces processus. Il s'agit aujourd'hui de se demander si ce levier est suffisant, surtout à l'heure de la mondialisation. Je pense que non.

Sur quel axe pouvons-nous assister à un nouveau pas en avant dans le déploiement stratégique du Montréal universitaire international? Je pense que c'est celui d'une coopération interinstitutionnelle renforcée. Pour mieux faire saisir le sens de mon propos, je dirai d'abord ceci : quelle est la meilleure contribution que puissent offrir les universités au progrès de notre société, au progrès de Montréal aux plans économique, social, culturel, démocratique? C'est évidemment celle de la formation des cerveaux. En ce domaine, l'émulation entre les établissements, le choc des idées et des écoles est un atout essentiel. Il ne saurait donc être question ici d'identifier coopération à nivellement ou à centralisation. Toutefois, la formation des cerveaux représente un patrimoine collectif majeur. C'est pourquoi les universités ont ensemble, face à ce défi, une responsabilité commune et pas seulement des engagements particuliers pour elles-mêmes. Il importe donc que, tout en préservant et en mettant de l'avant leur autonomie créatrice, les universités de la région de Montréal explorent aussi désormais, de manière plus systémique et plus systématique, leur potentiel de coopération à dimension régionale, nationale et internationale dans tous les domaines où elles oeuvrent.

J'insiste : lorsque je plaide pour la coopération, je ne suggère pas l'existence d'une seule «très grande» université montréalaise ou un «plan» uniforme d'internationalisation qui serait une panacée! Chaque université, je le répète, a sa couleur propre, ses forces et ses traits distinctifs et c'est là une richesse en soi. Le développement des savoirs et de la création n'est à l'aise que dans la pluralité et trouve son dépassement dans un certain niveau d'émulation. Mais pourquoi ne «réserver» qu'à nous-mêmes les effets de cette émulation? Une plus grande convergence de nos actions sur des cibles et des projets choisis nous permettrait d'être plus forts ensemble et de nous projeter ici et à l'échelle internationale avec beaucoup plus de force. Nous donnerions à nos institutions des conditions renouvelées d'exercice de la diversité et, à nos professeurs, à nos chercheurs et à nos étudiants, un espace encore plus ouvert et favorable à l'épanouissement de leur créativité et de leur sens de l'innovation.

L'intensité même de l'activité universitaire appelle nos établissements à faire ce qu'il faut, dans la promotion de leurs missions spécifiques, à l'heure de la mondialisation. Nous le faisons tous individuellement, à titre d'établissement, en développant nos activités de coopération scientifique et de formation. Nous y participons volontiers avec d'autres, autour de quelques créneaux très spécifiques de l'économie montréalaise ou encore à l'occasion de missions gouvernementales à l'étranger. Nous emboîtons le pas aux nouvelles orientations québécoises et fédérales incitant au réseautage national et international des chercheurs. Tout cela est excellent et contribue à construire l'identité internationale du Montréal scientifique.

Mais Montréal et le Québec tireraient grand avantage d'une collaboration plus active de leurs universités, s'appliquant à concevoir ensemble des projets majeurs à même de s'imposer ici et sur la scène internationale avec plus d'impact.

Un bel exemple d'actualité, évoqué plus haut, est celui des sciences de la vie, domaine autour duquel Montréal International veut mobiliser les forces. Il importe effectivement de bâtir une image distinctive pour la grappe de la région et de lancer une stratégie de rayonnement international. J'aimerais suggérer que cette image distinctive soit «inclusive» car, comme le dit Jacques Girard «lorsque nous avons du talent, il faut le faire fructifier» (8). Les nouveaux créneaux qui s'ouvrent à tout ce qui touche aux rapports entre santé et société sont très importants. Nous pourrions, autre bel exemple, valoriser davantage, à l'international, l'Institut des sciences mathématiques, déjà un très beau succès pour Montréal et le Québec en ce qui a trait à l'intégration d'activités de formation et de recherche de très haut calibre dans un contexte de coopération interuniversitaire exemplaire.

Nous avons aussi tout ce qu'il faut pour être un joueur incontournable dans la formation en gestion, un des piliers de nos établissements, alors que nous avons déjà un programme de doctorat conjoint entre les quatre universités à vocation générale de Montréal, que l'UQAM exporte déjà son MBA dans une douzaine de pays, dont la France et l'Allemagne, qu'elle vient de recevoir la prestigieuse accréditation European Quality Improvement System (EQUIS) que détient aussi HEC. L'offre montréalaise en gestion pourrait être considérable en explorant les points d'ancrage de nouvelles coopérations, par exemple dans des domaines en émergence. C'est le cas aussi du domaine de l'éducation et de la formation des maîtres, si déterminant pour toute grande ville et pour toute société, ainsi que du domaine des études internationales où nos masses critiques de chercheurs sont remarquables.

Dans le domaine de la création et des arts, je veux citer un exemple tout à fait à même d'accroître l'«indice bohémien» de Montréal (9): c'est celui du multimédia. Avec une culture de l'interdisciplinarité qui a une bonne longueur d'avance sur bien d'autres pays et un secteur des arts et de la création particulièrement performant, nous sommes en mesure de contribuer de manière décisive au réseau international de la formation, de la recherche et de la création dans ce domaine; c'est en particulier ce que nous ambitionnons de faire, avec l'Institut de recherche et création en arts et technologies médiatiques (Hexagram), un projet particulièrement innovant.

La liste des exemples de collaborations montréalaises de calibre international que l'on peut mieux développer et valoriser est longue. Ne serait-il pas à notre avantage d'y travailler ensemble de façon un peu mieux intégrée? En plus d'optimiser la portée internationale de plusieurs de nos actions, de telles initiatives pourraient avoir un effet d'entraînement vis-à-vis d'autres établissements du réseau universitaire québécois. Mais, surtout, une telle dynamique permettrait d'explorer ensemble des nouvelles voies de l'innovation. Ce souhait pressant a été exprimé avec beaucoup de conviction dans le rapport de la Commission des universités sur les programmes, il y a deux ans. À nous de le réaliser.

Des coopérations existent déjà dans les programmes et en recherche, et je ne suis pas en train de dire que tout est à faire. La Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec (CREPUQ) joue depuis plusieurs années un rôle essentiel pour faciliter la concertation. Nous y partageons des acquis d'importance, comme les ententes de prêt de livres entre les bibliothèques universitaires qui existent depuis plusieurs années. C'est sur la base de cette expérience qu'un ambitieux programme d'acquisition commune de licences de sites de périodiques scientifiques a pu être présenté à la FCI. Le projet était tellement intéressant que la FCI a souhaité qu'il soit élargi à l'échelle du Canada et l'a financé à hauteur de 50 M $, avec un appui de 20 M $ de la part du Québec. Au chapitre de la mobilité des étudiants, la CREPUQ a aussi développé un type d'entente internationale devenue un modèle. Sur le plan québécois, elle a mis en œuvre, depuis plusieurs années, des ententes de transfert de crédits interétablissements; elle travaille actuellement à un projet visant à accroître l'utilisation de cet outil essentiel de la mobilité.

Mais la volonté institutionnelle à l'égard de la coopération doit mieux s'affirmer pour toute la période qui vient. Observant notre comportement universitaire, je vois beaucoup de pratiques de coopération et beaucoup d'intérêt chez les professeurs, les chercheurs et les personnels pour des collaborations stimulantes qui dépassent les cloisons institutionnelles, mais je constate aussi un clivage entre les attentes de nos chercheurs et de nos étudiants et l'approche, l'attitude parfois plus retenue, plus réservée des administrations qui conçoivent leur mission d'abord dans le cadre institutionnel. Nous devrions travailler ensemble à surmonter ce clivage dans le respect des spécificités.

À l'UQAM, avec mes collègues de la direction, je veux résolument soutenir les collaborations entre les établissements du réseau de l'Université du Québec, de tout le réseau des universités québécoises, à plus forte raison dans la grande région de Montréal. Il me semble que, par-delà nos enjeux institutionnels propres, il est dans le meilleur bénéfice de notre société de miser sur les effets multiplicateurs de la concertation dans la spécialisation de nos établissements, notamment lorsqu'elle nous aide à nous positionner dans de nouveaux domaines émergents.

La situation spécifique des universités québécoises en Amérique du Nord, et singulièrement des universités montréalaises, les oblige, en quelque sorte, à un effort particulier vis-à-vis tout ce qu'elles peuvent faire en commun. Il ne s'agit pas d'imposer un carcan mais plutôt d'identifier un certain nombre d'enjeux qui nous sont propres : des enjeux liés à la qualité de la formation, aux conditions de la mobilité professorale et étudiante ainsi qu'au réseautage en recherche et en création. Il faut y voir aussi les enjeux liés aux progrès économiques et sociaux de Montréal et du Québec, aux travaux de recherches et aux initiatives intellectuelles et culturelles qui sont des contributions nécessaires pour contrer l'exclusion et la pauvreté, les discriminations. Le rôle et le poids des universités dans ces champs d'action de la vie citoyenne est majeur. Leur action auprès des jeunes est déjà déterminante; elle pourrait l'être encore davantage. Ensemble, elles peuvent, elles doivent faire plus et mieux, me semble-t-il. Je crois que nous avons beaucoup à partager sur ces questions en vue de mettre en place les conditions optimales de contribution au patrimoine des connaissances pour notre communauté scientifique et pour notre vie publique.

Quelques exemples

Examinant l'état des coopérations dans d'autres systèmes universitaires aux États-Unis ou en Europe, j'ai été frappé par le dynamisme de certaines universités qui ont pris sur elles de se constituer en pôles universitaires en vue d'optimiser leur positionnement et de développer de nouvelles initiatives en lien avec les partenaires de leur communauté. Les onze pôles universitaires ainsi formés en France s'inscrivent dans la logique des «villes-régions», dont le principal exemple connu à Montréal est celui de Lyon et de la région Rhône-Alpes. Certes, la relation des universités françaises entre elles et avec l'État représente une configuration très différente de la nôtre. Mais transposée et adaptée à notre contexte, l'idée d'un pôle m'apparaît fort stimulante.

Les pôles universitaires sont des instances très légères et très souples organisées autour d'une présidence universitaire. Ils ont été créés essentiellement pour promouvoir les universités et les collectivités qui les accueillent. Ces pôles ont des caractéristiques communes, comme celle d'être constitués avec les universités et les collectivités territoriales, mais ils s'assignent aussi des missions spécifiques. En voici quelques exemples encore parfois peu connus ici.

Le pôle universitaire de Bordeaux est axé sur la mobilité. Il offre aux étudiants et aux chercheurs un portail unique d'information et d'accueil et est particulièrement fier de disposer maintenant d'une Maison internationale. De plus, le pôle a constitué une base de données (DeBuCi) comprenant les conventions internat des universités, consultables par les postes diplomatiques. À Strasbourg, le pôle universitaire a réussi à s'imposer dans un domaine particulier, avec son École de management, identifiée désormais au Pôle européen de gestion et d'économie. Le pôle universitaire de Grenoble a, pour sa part, davantage centré ses actions sur la recherche. Une de ses initiatives originales consiste à organiser, à chaque année, une série de conférences données par les chefs d'entreprises publiques et privées aux étudiants étrangers qui peuvent devenir ainsi d'excellents ambassadeurs de la région. Cette initiative est délibérément conçue comme le terreau de la mise en œuvre d'une priorité d'alliance entre villes.

Ce sont les universités elles-mêmes qui ont été les instigatrices de ces initiatives en pôle. De cette façon, elles ont pu établir leurs propres priorités et optimiser le partage de leur expertise. Leurs projets sont très concrets, très ancrés dans la réalité quotidienne de leurs actions. Cette façon de faire influence leur façon de concevoir leur partenariat avec les collectivités locales. Elle suppose une communauté d'approche entre les universités et les gouvernements locaux à l'endroit de villes ou de régions et conduit à établir des choix d'alliances à privilégier.

Mais, chose encore plus importante et stratégique à mes yeux, cette approche insuffle une vision de développement à moyen et à long termes, même si elle demeure soucieuse d'arrimages à court terme. Elle est en ce sens porteuse d'innovation au véritable sens du terme et de relations durables car elle encourage et soutient la créativité à sa source sans la canaliser dans des modèles trop étroits de développement. Je crois qu'il y a là un modèle très intéressant et très dynamique qui pourrait nous inspirer à bien des égards.

Vers un véritable pôle universitaire montréalais : quelques pistes d'action

Je reviens à Montréal. Comme vient de le rappeler Richard Florida (10), au Symposium récemment organisé par la Chambre : «À l'ère de la créativité, ce ne sont plus les gens qui déménagent là où sont les emplois mais bien les entreprises qui vont là où sont les gens qualifiés». C'est dire l'envergure stimulante du défi pour les établissements universitaires de Montréal.

Les exemples de pôles universitaires pourraient nous inspirer des actions communes à court et à moyen termes comme les suivantes :

  • Mettre en place une table des directions d'établissements chargée de faire l'inventaire et l'exploration:

    • des possibilités d'action commune au plan international comme au plan du développement de Montréal conçue, comme le fait la Chambre, essentiellement en tant que région.

Cette table devrait assurer des interconnections avec les organismes tels : Montréal International, la nouvelle Ville de Montréal, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain et l'Agence métropolitaine de transport. Parmi les idées qui pourraient être examinées dans un tel contexte, je suggère celles-ci, en commençant, à dessein, par les plus modestes :

  • Mettre en place un portail Montréal, ville universitaire présentant :

    • l'information relative à la mobilité internationale des étudiants et des chercheurs, avec des services communs d'accueil mais s'ouvrant également à l'éventail impressionnant des programmes offerts par les universités montréalaises dans tous les domaines, en français et en anglais;
    • des données à jour sur les universités montréalaises;
    • les publications résultant de l'activité intellectuelle et scientifique des chercheurs de Montréal;
    • les activités scientifiques;
  • Valoriser nos atouts communs déjà existants : programmes de doctorat conjoints, réseaux de recherche, axes d'échanges, consortiums;
  • Rendre plus visible — et même plus éclatante - la présence des chercheurs étrangers séjournant à Montréal et faciliter leur circulation entre les établissements;
  • Mettre en évidence toutes les activités scientifiques, congrès et colloques d'intérêt national et international qui se tiennent dans nos universités et qui demeurent trop souvent des secrets bien gardés;
  • Développer une programmation ambitieuse de congrès universitaires internationaux, dans la perspective des nouvelles capacités d'accueil du Centre des congrès;
  • Accroître la mobilité des étudiants entre les universités montréalaises et ce, dès le premier cycle: grâce à l'amélioration de l'information sur les possibilités; en accroissant les passerelles entre programmes; par l'assouplissement des réglementations lorsque requis;
  • Développer la mobilité interuniversitaire des professeurs à l'échelle de la grande région de Montréal, en facilitant les initiatives de co-tutelles et de co-directions de thèses interétablissements;
  • Constituer un forum d'échanges sur les expériences d'internationalisation de nos activités de formation et de mobilité de nos étudiants à l'extérieur du Québec;
  • Mettre en évidence avec plus de force et de cohésion les atouts de Montréal comme ville à haute densité universitaire pour répondre au défi majeur du recrutement de nouveaux professeurs et chercheurs;
  • Développer de façon mieux concertée nos écoles d'été et nos activités d'apprentissage des langues et d'intégration des étudiants et des chercheurs étrangers à l'environnement universitaire montréalais;
  • Systématiser la présence et la visibilité des établissements dans les délégations du Québec, les ambassades et auprès des missions diplomatiques;
  • Définir une stratégie de concertation universitaire montréalaise pour optimiser la participation aux accords bilatéraux du Québec avec les grandes villes et les régions du monde.

Nous pouvons nous donner des projets communs, du plus petit au plus grand, à la hauteur de nos besoins et de nos ambitions!

Voilà donc les idées que je voulais soumettre à votre réflexion. M'inspirant de l'exemple de Guy Laliberté, président-fondateur du Cirque du Soleil, avec qui, vous le savez, l'UQAM a établi un partenariat extraordinairement prometteur, je pense qu'il faut oser rêver pour réussir. Mon rêve est celui d'une coopération renforcée entre les établissements universitaires, à l'enseigne des trois «C» mis de l'avant par Benoît Labonté, le président de la Chambre : Créativité, Cohérence et Cohésion. Les universités sont directement interpellées par ces trois «C» et elles doivent ensemble faire l'effort d'établir ce que sera leur contribution renforcée au développement de notre «Cité du Monde». Je suis persuadé qu'ainsi nous ajouterons à toutes nos initiatives une signature originale qui sera la marque distinctive du Montréal universitaire. Si vous croyez à ce rêve, parlez-en et aidez-nous à le réaliser!

Je vous souhaite une excellente journée!


(1) Jacques Girard, Au cœur de l'investissement étranger dans le Grand Montréal, Allocution prononcée devant l'Association de l'industrie électrique du Québec, le 20 mars 2002.

(2) Yves Gingras et Benoît Godin, Observatoire des sciences et des technologies (CIRST), Rapport à Industrie Canada sur l'internationalisation de la recherche scientifique canadienne, p.4 et ss.

(3) Nancy Caron, Quelques indicateurs relatifs aux activités de recherche de l'Université du Québec à Montréal, document de travail, MRST, mars 2002. Les données relatives à l'INRS-IAF, à l'ÉNAP et à TÉLUQ n'ont pas été additionnées ici, car elles ne permettent pas de distinguer la part des activités réalisées à Montréal. Il s'agit donc d'une appréciation conservatrice du volume des activités universitaires montréalaises.

(4) Voir note 6

(5) Données RECU fournies par le MRST.

(6) CREPUQ, Statistiques sur les clientèles universitaires du Québec (en nombre absolu), Données préliminaires au 24 septembre 2001.

(7) L'Université McGill : créatrice de richesse intellectuelle et économique pour la province, document institutionnel, janvier 1998, fondé sur l'étude d'impact économique du professeur J. Handa et de M.O. Mikhail, Département d'économie, Université McGill, septembre 1997.

(8) Gérard Bérubé, "Un projet d'investissement de 3,2 milliards en huit ans. Montréal International veut mobiliser les forces des sciences de la vie", Le Devoir, 4 et 5 mai 2002, p. B6.

(9) Indice proposé par Richard Florida dans son livre The Rise of the Creative Class, Basic Books, 2002, et qu'il a repris dans la conférence qu'il a donnée à Montréal, le 30 avril 2002, dans le cadre du Symposium de la Chambre. Cet indice est fondé sur l'idée que la "classe créative" choisit de s'établir dans des villes où se retrouvent les 3 "T" du développement technologique : la technologie, le talent et la tolérance. Appliquant cette mesure au Canada et aux Etats-Unis, Florida a établi que Montréal vient au 8e rang parmi les 270 régions nord-américaines, derrière Santa Fe, San Francisco, New York, Los Angeles, Toronto, Boulder et Vancouver.

(10) Voir note 9.

 

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