Discours - conférencier : M. Robert Dutton, président et chef de la direction, RONA inc. Le consommateur : plus puissant que jamais


M. ROBERT DUTTON
PRÉSIDENT ET CHEF DE LA DIRECTION

Le 3 février 2004

Le consommateur : plus puissant que jamais

Seule l'allocution prononcée fait foi


Introduction

Merci, monsieur Kennif, pour votre aimable présentation

Monsieur le président,
Mesdames et messieurs de la table d'honneur,
Mesdames, messieurs,

C'est la deuxième fois que la Chambre de Commerce du Montréal Métropolitain m'offre le privilège de sa tribune. La première fois, c'était il y a huit ans. J'avais alors exprimé ma confiance au détaillant. Je veux dire, au détaillant en chair et en os, travaillant dans un magasin en brique et en béton. On m'avait bien écouté. Je crois même que certaines personnes avaient été d'accord avec moi. Mais je me souviens que de nombreux autres étaient sceptiques, cela se sentait. Au milieu des années 90, le magasin, surtout le magasin de petite et moyenne tailles, était une espèce en voie de disparition. Il allait être vite remplacé par les magasins-entrepôts et l'Internet.

Il était une fois…

La disparition du magasin traditionnel était vue non seulement comme inéluctable, mais aussi comme une perte pour le consommateur et la société. Le regretté André Fortin, des Colocs, faisait écho à un sentiment très répandu quand il chantait la nostalgie de la rue principale, victime du centre d'achats : Vous me permettrez de ne pas chanter!

« La coop, le gas bar
La caisse pop, le croque-mort
Et le magasin général
Y est tombé une bombe su'a rue principale
Depuis qu'y ont construit le centre d'achat. »

Cette nostalgie est suscitée non seulement par la transformation des centres-villes, mais aussi par le sentiment que le commerce… « avant, c'était bien mieux. »

Les plus de quarante ans parmi vous s'en souviennent peut-être… Le marchand nous reconnaissait quand on entrait dans son magasin. Il connaissait nos parents, nos frères et sœurs, il connaissait même les goûts de chacun. Il savait s'il pouvait nous faire crédit. Bref, il donnait un service courtois et personnalisé.

Le corollaire de cette perception, c'est qu'on ne trouve plus un service d'aussi bonne qualité aujourd'hui, dans les grandes surfaces et les grandes chaînes de magasins. On croit aussi que, face à des géants de la distribution, le consommateur a perdu une bonne partie du pouvoir qu'il détenait face au petit commerçant.

Bref, le petit magasin de la rue principale, c'était l'âge d'or du consommateur! Et le grand magasin, ou la grande chaîne, c'est le retour à l'âge de pierre.

Et si c'était le contraire?

Au temps du fameux âge d'or, le consommateur avait un choix limité de produits. Quand nos parents mettaient les pieds dans une grande quincaillerie de 1970, ils y trouvaient de 8 à 12 000 items différents. Aujourd'hui, dans un RONA Le Rénovateur, vous trouvez environ 25 000 items différents. Et nos grandes surfaces offrent jusqu'à 50 000 items. Par conséquent, dans un magasin de 2004, le client trouve le premier élément de la qualité du service : les produits qui comblent son besoin, quand il en a besoin.

Le système de distribution qui prévalait pendant le soi-disant âge d'or du consommateur était inefficace et peu flexible. En 1964, la gestion des stocks utilisait la technologie de pointe de l'époque : la poste! Exceptionnellement, on avait recours au téléphone, si l'appel était local et que l'urgence d'une situation le justifiait. Si un item n'était pas en magasin, le temps nécessaire au réapprovisionnement se mesurait souvent en semaines. Aujourd'hui, les ruptures de stock sont non seulement rares, elles sont également courtes. Chez RONA, tous les magasins de l'est du Canada peuvent être approvisionnés quotidiennement, quand ce n'est pas deux fois par jour. Le délai de réapprovisionnement dépasse rarement une journée. D'ici quelques mois, grâce à notre nouveau centre de distribution de Calgary, la plupart des magasins de l'ouest pourront bénéficier d'une qualité de service comparable.

L'information était coûteuse à l'âge d'or du consommateur: pour avoir une idée des produits disponibles et comparer leurs prix, il fallait généralement se rendre chez tous les concurrents. Et si on faisait ça, il fallait user de diplomatie, parce qu'on ne voulait pas insulter notre marchand habituel qui nous connaissait si bien…

Un système centré sur le produit et le producteur

La vérité, c'est que le système de distribution et de détail de cet âge d'or était centré sur les besoins des fabricants, bien plus que ceux des consommateurs. Dans les années 60, l'économiste John Kenneth Galbraith a marqué les esprits avec son concept de complexe militaro-industriel qui dictait plus ou moins leurs goûts aux consommateurs.

Il est vrai que, pendant l'essentiel du vingtième siècle, les grands fabricants ont pesé de tout leur poids sur les distributeurs et les consommateurs. La technologie qui prévalait favorisait la production à grande échelle de biens standardisés, qui était la seule façon de produire à des coûts compétitifs. Cette technologie nécessitait des investissements massifs, qui créaient des barrières à l'entrée. Protégées par ces barrières, les grandes sociétés industrielles jouissaient d'un pouvoir immense sur les circuits de distribution et les consommateurs.

Vous vous souvenez des 4P? Produit, prix, placement, promotion. Tels ont été les quatre piliers du marketing pendant de longues années. Ce qui frappe aujourd'hui, c'est que ces quatre piliers évacuaient complètement le consommateur pour se centrer totalement sur les stratégies du producteur.

Vers un système centré sur le consommateur

Les choses ont commencé à changer il y a une trentaine d'années. Dès 1970, alors que dominait la crainte d'une société en voie d'uniformisation, Alvin Toffler écrivait : « L'homme de demain souffrira sans doute, non pas de l'absence, mais d'une surabondance de choix qui le paralysera. » Il ajoutait ceci, que je trouve encore plus remarquable de prescience : « les stations-services, les aéroports et les hôtels, tout comme les supermarchés, n'auront plus l'air de sortir du même moule. L'uniformité cédera la place à la diversité. » Il est rare que les prophètes visent aussi juste.

Cette diversité donne au consommateur un pouvoir sans précédent dans l'histoire économique mondiale. Un pouvoir qui lui vient du choix. Un pouvoir qui s'abreuve à deux sources interreliées.
D'un côté, il y a la technologie. Grâce à elle, le consommateur est mieux informé que jamais. En vingt minutes d'Internet et de téléphone, j'en apprend dix fois plus sur les caractéristiques, la disponibilité et le prix d'un produit que mon père n'aurait pu le faire en deux jours de magasinage… Quant aux producteurs, la technologie moderne les a affranchis en bonne partie de la production de masse standardisée.

D'un autre côté, la sociologie du consommateur s'est modifiée. Les consommateurs sont devenus plus critiques envers les entreprises et leurs produits. En termes de qualité ou de fiabilité des produits, le consommateur de 2004 accorde aux entreprises beaucoup moins de marge de manœuvre que ses parents ne l'auraient fait il y a une génération. En 1964, il n'y avait qu'un Ralph Nader pour exiger que les entreprises rendent des comptes aux consommateurs.
Aujourd'hui, il y a un Ralph Nader en chacun de nous.
Critique face au produit, le consommateur est devenu sceptique, cynique même, face à son marketing. Il se méfie des messages commerciaux qui le bombardent quotidiennement.

Le nouveau consommateur

Par ailleurs, les priorités du consommateur changent également.

Pour chacun de nous, la gestion du temps est devenue le défi majeur. Selon des études de Statistique Canada, 85 pour cent des mères et des pères canadiens qui travaillent à plein temps ont l'impression de manquer d'heures pour remplir toutes leurs tâches quotidiennes. Plus de la moitié trouvent qu'ils manquent de temps pour la famille et les amis.

Et en même temps, nous payons le prix de l'abondance d'information qui fait de nous des consommateurs plus avertis. Car nous croulons sous un volume d'information sans précédent. Entre le téléphone de la maison, celui du bureau, le téléphone cellulaire, le fax, le courriel, la radio, la télévision, l'Internet, nous avons un accès instantané au monde entier. Mais le monde entier a un accès instantané à nous! Les spécialistes appellent le phénomène l'infobésité.

À cela s'ajoute un relâchement des liens communautaires. La famille, le quartier, le village, les communautés traditionnelles fournissent moins d'encadrement qu'elles ne le faisaient pour nos parents et laissent à l'individu la responsabilité de se définir et de se décider. En passant, ce relâchement des liens communautaires au profit des individualités donne à l'habitation une importance psychosociale sans précédent. Bien plus qu'un lieu de résidence, la maison devient le milieu de vie privilégié. Cette tendance explique en partie l'engouement actuel pour la rénovation et la redéfinition de l'utilisation de chacune des pièces de la maison.

Bref, le nouveau consommateur se résume sous trois rubriques : manque de temps, surabondance de choix et d'information, place croissante à l'individualité. Chacun de nous réagit à sa façon à cette situation. Mais on peut distinguer deux attitudes de base. Soit on y voit la liberté et le défi. Pour ces personnes, la consommation devient un outil d'épanouissement et débouche sur la recherche continuelle de nouvelles expériences. Soit on y voit l'insécurité. La consommation doit alors satisfaire non pas un besoin d'épanouissement, mais plutôt un besoin de sécurité et d'appartenance.

Pour réussir, un détaillant doit satisfaire simultanément ces deux besoins. En effet le nouveau consommateur est un être complexe. À la limite il est un être à personnalités multiples. Chacun de nous n'est pas un, mais plusieurs consommateurs, selon le lieu, le moment et le besoin. Chacun de nous recherche tantôt l'aventure, tantôt la sécurité. Le défi du détaillant, c'est d'offrir les deux en même temps.

Une citation du réputé professeur de Harvard, Theodore Levitt, convient particulièrement bien à RONA. « Les clients n'achètent pas des perceuses de un quart de pouce, a-t-il déjà écrit. Ils achètent des trous de un quart de pouce. » En toute humilité, je crois même qu'il aurait dû aller plus loin. Un acheteur de perceuse se procure en fait la solution à un problème ou un outil de réalisation de projet; un décor, une ambiance, du confort. Il achète même un mode d'expression, par la réalisation de choses concrètes. Car les travailleurs manuels, largement majoritaires il y a une quarantaine d'années, sont devenus une minorité. Pour les gestionnaires et cols blancs que nous sommes, la rénovation et le bricolage satisfont le besoin psychique de réalisations concrètes aussi bien que celui de réaliser des économies.

Des quatre P aux quatre C

Un client qui entre dans un magasin RONA ne cherche pas un produit. Il cherche la solution à un problème, ou les moyens de se réaliser. Notre ambition, c'est de satisfaire ce besoin.
Ceux qui disaient, encore récemment, que les technologies de l'information élimineraient les intermédiaires dans la chaîne d'approvisionnement – à commencer par les magasins et les marchands – ont négligé cette nouvelle dimension de la consommation. L'intermédiaire n'a pas disparu. Il ne disparaîtra pas. Au contraire, il prendra de l'importance.

Mais il doit réaliser que son rôle a changé. Pour réussir il y a vingt ou trente ans, un détaillant devait représenter efficacement le fabricant auprès du consommateur en faisant la promotion de ses produits. Aujourd'hui, il doit être un représentant efficace du consommateur auprès du producteur.

En d'autres termes, il a cessé d'être centré sur le produit et est devenu centré sur le consommateur. Il ne se limite plus aux 4P. Pour reprendre les concepts énoncés par Robert Lauterborn il y a déjà près de quinze ans , le marchand efficace est passé aux quatre C :

Un, le Consommateur, ses besoins et désirs;
Deux, le Coût total de la consommation, incluant le temps et l'effort qu'elle exige du consommateur.
Trois, la Commodité pour le consommateur.
Et quatre, la Communication au consommateur.

Alors que les quatre P définissaient des outils pour « pousser » des produits vers le consommateur, les quatre C inversent totalement la perspective et sont centrés sur les besoins du consommateur.

La plupart des entreprises affirment qu'elles sont centrées sur le consommateur. Mais dans la vraie vie, on ne se lève pas un beau matin en se disant : « Tiens, aujourd'hui on va faire un virage consommateur. » Dans les faits, un virage consommateur implique un changement dans les pratiques de l'entreprise, et dans les attitudes de tous les employés. De tels changements demandent du temps. RONA n'échappe pas à cette règle.

Déjà il y a huit ans, j'avais dit que RONA voulait être le spécialiste du consommateur, et non le spécialiste d'un type de magasin ou d'une formule de vente au détail. Chez RONA, le consommateur s'est imposé comme pierre d'assise de toute notre stratégie d'entreprise. Je dis bien : notre stratégie d'entreprise ; pas simplement notre stratégie de marchandisage, ni même de marketing. Le consommateur doit être au centre de la logistique aussi bien que de l'aménagement du magasin.

C'est en pensant au consommateur que nous avons décidé, il y a une dizaine d'années, de lui offrir simultanément plusieurs formats de magasins. À l'époque, bien des observateurs étaient sceptiques devant notre décision. Dix ans après RONA, les grands détaillants américains de quincaillerie-rénovation commencent à peine à diversifier leurs formats de magasins. Pour une raison que nous comprenons depuis longtemps : aucune formule de vente au détail ne peut satisfaire tout le monde, tout le temps.

C'est toujours en pensant au consommateur que nous avons continuellement perfectionné nos magasins. Nous sommes des détaillants. Pour nous, un magasin n'est pas simplement un lieu où le consommateur trouve des produits. Un magasin EST un produit en soi, car le consommateur y trouve une expérience spécifique. Il ne viendrait pas à l'idée de Mercedes ou de Microsoft de cesser de perfectionner leurs produits ou d'en concevoir de nouveaux. C'est la même chose pour nous. Chez RONA, le perfectionnement de magasins, c'est notre recherche et développement. Dès que vous entrez dans nos grandes surfaces les plus récentes, vous voyez combien elles sont différentes de ce qui existait il y a dix ou douze ans.

Notre recherche et développement ne se borne pas à peaufiner ce qui existe déjà. Cinq ans avant tout le monde, nous avons mis au point le magasin régional, un magasin conçu pour offrir aux marchés urbains de taille intermédiaire les avantages des grandes surfaces qu'on retrouve dans les grandes agglomérations. Et alors que d'autres détaillants commencent à peine à ouvrir des magasins de type régional, nous venons de mettre au point la nouvelle génération de magasins de proximité.

Ça n'a l'air de rien, mais la mise au point de ces nouveaux formats de magasins ne se limite pas à faire un modèle réduit des grandes surfaces. Je ne veux rien enlever aux magasins entrepôts, mais il est relativement facile d'avoir sous la main le produit que cherche le consommateur dans une surface de 150 000 pieds carrés, où on trouve 60 000 items différents. C'est un peu plus difficile de le faire dans 60 000 pieds carrés. Et dans 35 ou 40 000 pieds carrés, cela devient un véritable défi. Car dans le quart de l'espace, avec la moitié du nombre d'items, le consommateur du magasin de petite surface doit quand même trouver ce qu'il cherche : le produit adéquat, au prix adéquat, dans un environnement convivial. C'est n'importe quoi, sauf simple. Cela exige une connaissance très fine du consommateur, à un point tel qu'un magasin à Boucherville doit se distinguer d'un magasin à Lachine, et a fortiori à Renfrew, en Ontario. Cette connaissance fine du consommateur, nous l'avons grâce à nos systèmes d'information, mais aussi grâce à l'intelligence de nos marchands affiliés, bien implantés dans leur milieu respectif.

Je l'ai dit, nous avons mis le consommateur au centre de toute l'entreprise, et non seulement du marketing. Par exemple, la décision d'offrir plusieurs formats de magasins a des répercussions sur toutes nos activités en amont. Tout devient plus complexe, car un magasin de proximité et un magasin de grande surface ont des besoins de support qui ne sont pas identiques en matière de systèmes d'information ou d'opérations logistiques. Alors que d'autres ont choisi d'adapter leur offre au consommateur aux exigences de leur modèle d'opérations, nous avons fait le contraire : nous avons adapté nos systèmes à notre décision d'offrir au consommateur un choix de formats de magasins. Ce qui ne nous empêche pas d'être très efficaces dans nos opérations, comme le démontrent toutes les études comparatives faites par des tiers. D'ailleurs, si nos systèmes logistiques et d'information étaient moins efficaces, nous ne pourrions pas soutenir notre stratégie à formats multiples. Entre parenthèse, j'en profite pour vous annoncer que nous entendons investir plus de 200M$ dans notre réseau de magasins dans l'Ouest canadien. Ceci démontre notre confiance dans cette région mais aussi dans notre stratégie de développement et nos formats de magasins.

Autre exemple des répercussions de notre virage consommateur : les programmes de formation et de reconnaissance qui s'adressent aux employés des magasins RONA, peu importe leur format. Il s'agit d'un programme que nous appelons AGP : A pour Accueillir le client ; G pour Guider le client ; P pour Proposer une solution au client. Ce programme renforce la qualité du service au client de deux façons. D'une part il valorise l'écoute du client et le service centré sur ses besoins et ce, par des programmes très concrets de stimulation et de reconnaissance; d'autre part il donne aux employés les outils et le savoir-faire dont ils ont besoin pour donner un tel niveau de service. Ce programme a débuté en 2000 et est constamment enrichi depuis.

Conclusion

Malgré son charme certain, malgré la gentillesse de ses propriétaires, le magasin de nos parents ne représentait donc pas l'âge d'or du consommateur. Loin de là ! Le service y était meilleur en intention qu'en réalité. Si le consommateur pouvait avoir l'illusion de jouir d'un certain pouvoir face au marchand de sa rue, en revanche il en avait bien peu face au fabricant. Aujourd'hui, grâce aux changements sociaux et technologiques, le consommateur a un pouvoir sans précédent dans le système économique. Non seulement le consommateur d'aujourd'hui est mieux que ses parents, mais je crois que le consommateur aura encore plus de pouvoir dans dix ans que maintenant. Comme c'est le cas depuis plusieurs années, RONA entend bien participer activement à la définition de cet avenir.

Je vous remercie.


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