Mieux comprendre les avantages de la relocalisation de notre industrie manufacturière grâce à Harry Moser

Acteur clé de la réforme du président Barack Obama, Harry Moser explique la tendance du reshoring.

Organisé par la Chambre et Investissement Québec, le Forum sur le manufacturier innovant tenu le 7 avril 2017 a réuni de nombreux acteurs importants du secteur dans le but d’accélérer l’innovation manufacturière et ainsi maintenir la vitalité économique du Québec.

À l’occasion de ce forum, Harry Moser, président et fondateur de Reshoring Initiative, a présenté la politique de revitalisation du secteur manufacturier américain. Quelles leçons le Québec doit-il en tirer?

Le « reshoring » ou la relocalisation, c’est quoi?

Le terme « reshoring » (relocalisation) a été créé par Harry Moser en 2010 par opposition au terme « offshoring » (délocalisation). Il fait référence au rapatriement des activités de production et d’approvisionnement des entreprises qui constatent que la délocalisation de leur production dans des pays où les coûts de main-d’œuvre sont bas n’est pas aussi rentable que prévu.

Afin de faire connaître les avantages de la relocalisation et de mettre à la disposition des entrepreneurs des outils pour les aider dans leurs démarches administratives, juridiques et fiscales, Harry Moser a fondé l’organisme sans but lucratif Reshoring Initiative.

Pourquoi le Québec devrait-il encourager la relocalisation?

Comme de nombreux pays occidentaux, les États-Unis ont, au cours des 40 dernières années, délocalisé leur production dans des pays où les coûts de main-d’œuvre sont très bas, par exemple en Asie ou au Mexique.

Le principal objectif du reshoring est de rapatrier ces emplois manufacturiers dans leur pays d’origine et ainsi de réduire le taux de chômage local.

Quels sont les avantages de la relocalisation?

La relocalisation fait baisser le niveau des importations, ce qui contribue à réduire le déficit commercial.

Aux États-Unis, l’élimination du déficit commercial, lequel atteint 500 milliards de dollars par an, peut se traduire par la création de 3 à 4 millions nouveaux emplois directs, notamment à haute valeur ajoutée, et d’environ 10 millions d’emplois indirects dans le secteur de la fabrication.

Grâce à la modernisation de l’appareil productif qui accompagne cette relocalisation, le contrôle des processus de fabrication et la qualité des produits peuvent être améliorés et une main-d’œuvre plus qualifiée peut être employée.

Enfin, qui dit relocalisation dit également réduction des inégalités de revenu, réduction du déficit budgétaire de moitié, réduction des coûts de transport et réduction de l’empreinte environnementale des entreprises.

Pourquoi les entreprises relocalisent-elles leur production?

Les entreprises cherchent à augmenter leur rentabilité en réduisant leurs dépenses totales. La production locale réduit les coûts liés à la gestion des stocks, à l’expédition, aux garanties et aux pertes de commandes découlant de la rupture des stocks. Le déploiement des activités de fabrication à proximité de l’industrie et du marché se traduit par une amélioration de l’innovation.

Comment les entreprises relocalisent-elles leur production?

« L’innovation est essentielle à la réussite de la relocalisation », affirme Harry Moser.

Selon M. Moser, la relocalisation favorise l’innovation des produits et des procédés en liant à nouveau l’ingénierie ainsi que la recherche-développement (R-D) à la fabrication.

D’autre part, pour que la relocalisation soit réalisable dans un pays où les salaires sont élevés, il est nécessaire de moderniser l’appareil productif, c’est-à-dire d’informatiser et de robotiser celui-ci, pour maintenir la part du travail suffisamment basse dans le coût global de fabrication. En d’autres termes, l’automatisation de la production permet d’offrir des salaires concurrentiels aux employés.

Enfin, dans certains cas, grâce à l’innovation dans le processus décisionnel lié à la sélection de fournisseurs, les entreprises peuvent constater que le coût total d’approvisionnement des marchés occidentaux est plus bas si la production est effectuée dans le pays même. Importer d’un pays où le coût salarial est plus bas ne constitue pas forcément le choix le plus rentable.

Quelques conseils donneriez-vous aux entreprises qui souhaitent relocaliser leur production?

Tout d’abord, Harry Moser est d’avis que les entreprises doivent elles-mêmes évaluer la rentabilité du rapatriement de leur production. Dans ce cadre, elles doivent étudier le rapatriement de leurs installations, mais aussi celui de leur chaîne d’approvisionnement.

« Je suggère aux entreprises d’examiner le coût total plutôt que le coût salarial uniquement quand il s’agit de prendre une décision concernant la sélection de fournisseurs ou l’implantation des installations. » Grâce à cette simple mesure, environ le quart de la production à l’étranger peut être rapatrié. L’outil en ligne gratuit Total Cost of Ownership Estimator® peut facilement être adapté au dollar et aux paramètres canadiens.

Il est également important de planifier de manière détaillée la transition, de prévoir la sortie (possiblement difficile) du pays où la production se trouve, de penser à la constitution d’une chaîne d’approvisionnement locale et de s’assurer de la disponibilité d’une main-d’œuvre qualifiée.

Voici le processus d’évaluation que recommande Harry Moser aux entreprises qui songent à relocaliser leurs activités de production.

  1. Déterminer quelles importations pourraient être relocalisées.
  2. En fonction du coût total d’exploitation, évaluer :
    • s’il est possible de conserver les fournisseurs locaux;
    • s’il est possible de rapatrier les activités sous-traitées à l’étranger;
    • s’il est possible de repositionner les centres de production à l’étranger pour servir les marchés extérieurs; le cas échéant, investir de façon progressive à l’échelle locale pour servir le marché local;  
    • s’il est possible de fermer les centres de production à l’étranger et d’en construire de nouveaux au Québec.
  3. Si, selon cette évaluation, le choix du Québec s’avère plus ou aussi rentable, investir dans des installations manufacturières 4.0 ici et former le personnel.
  4. Si le choix du Québec s’avère de 5 % à 20 % plus coûteux, attendre de voir comment évoluera la solution.
  5. Si la relocalisation est d’au moins 20 % plus coûteuse, la délocalisation demeure la meilleure option.

Comment les entreprises manufacturières québécoises peuvent-elles profiter de cette tendance?

Harry Moser encourage les entreprises québécoises à coopérer avec les entreprises américaines et mexicaines pour ainsi rapatrier leurs activités de la Chine. Pour maintenir une main-d’œuvre qualifiée, elles devront investir constamment dans la formation et le perfectionnement des compétences (programmes d’apprentissage, certificats, etc.).

M. Moser rappelle également que la fabrication de pointe accroît les avantages des pays développés : moins de temps passé par pièce fabriquée, raccourcissement de chaque phase entre la fourniture des pièces, l'assemblage du produit et sa livraison, et écart salarial moins élevé pour les emplois hautement qualifiés.

Harry Moser a ainsi résumé son intervention : « Investissement Québec a un plan pour rapatrier des emplois. Le Québec possède les compétences nécessaires pour jouer un rôle de premier plan dans la relocalisation de la production en Amérique du Nord. À l’heure actuelle, le Canada est un marché particulièrement concurrentiel en raison de la faiblesse du dollar canadien. J’ai hâte d’aider le Québec à réaliser son potentiel de relocalisation. »

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