Speech - guest speaker:Mr. Louis Audet, président et chef de la direction, COGECO inc. (in French only)


Speech given by Mr. Louis Audet
Président et chef de la direction, COGECO inc.
(as delivered)

November 22, 2001

Monsieur le président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain,
Distingués invités,
Chers amis,

Bonjour,

C'est un réel plaisir pour moi d'être avec vous aujourd'hui pour vous entretenir du rôle privilégié de la câblodistribution comme porte d'accès au monde virtuel, de l'importance de cet univers dans la création de la richesse au sein des économies mondiales et du défi que notre société aura à relever si elle désire continuer à se distinguer.

Permettez-moi d'abord une brève mise en contexte. La compagnie que j'ai le privilège de diriger, Cogeco Câble, dessert le centre et l'est du Québec de même que les communautés en bordure de l'autoroute 401 en Ontario incluant des villes comme Hamilton et Windsor, le tout sur un corridor de 2000 km qui s'étend de Windsor à Gaspé. Nous y dispensons près d'un million d'unités de service aux quelque 1 300 000 résidences desservies par nos réseaux, lesquels sont bidirectionnels à près de 90 %.

Nous maintenons une part de marché très importante, environ les deux tiers dans les services vidéo et ce, en dépit de la concurrence de deux services satellite qui continuent à opérer selon un modèle financier absurde, le premier concurrent perdant environ 200M $ par année à la ligne d'EBITDA et le deuxième concurrent qui en fait presqu'autant avec des pertes d'EBITDA de l'ordre de 100M $ par année !

La qualité de nos réseaux bidirectionnels explique pour beaucoup la croissance fulgurante de nos services d'accès Internet à Haut Débit, pour lesquels le nombre de nos clients s'est accru de près de 50 % en 2000-2001 pour atteindre 108 000 clients; nous comptons d'ailleurs en desservir près de 148 000 au 31 août prochain !

Nos services de télévision numérique ont été adoptés par 105 000 clients, soit environ 12 % de pénétration, et nous en desservirons fort probablement, 130 000 au 31 août prochain.

Comme vous le savez, nous avons dû radier notre investissement en téléphonie sur IP, renonçant ainsi à cette technologie pour l'avenir prévisible. En dépit du fait que les fournisseurs d'équipements et de logiciels figurent parmi les grands noms en Amérique du Nord, il a fallu nous rendre à l'évidence que cette technologie n'a pas encore atteint une maturité suffisante pour offrir un service de haute qualité.

Néanmoins, je peux vous affirmer que la question n'est pas de savoir si, mais bien plutôt quand, nous ferons de la téléphonie sur nos réseaux qui ont bel et bien la capacité de le faire, puisqu'ils sont fiables et bidirectionnels.

Deux mots maintenant sur nos nouveaux produits.

Nous achevons de mettre en place le noyau de serveurs au Québec et en Ontario qui nous permettra d'effectuer quelques tests de marché et sur la vidéo sur demande et sur la télévision interactive et ce, dès cet hiver, en vue d'une exploitation commerciale à l'été 2002. Ces deux services s'appuient sur notre infrastructure vidéo numérique existante et les décodeurs Motorola DCT-2000 couramment offerts à nos clients à un prix concurrentiel de 99 $.

La vidéo sur demande permettra au client de choisir le long métrage de son choix à même une banque de quelque 600 titres. Nous nous appliquons présentement à conclure des ententes de distribution avec les « majors » américains.

La télévision interactive consiste principalement, pour l'instant, en l'offre de services de type « web » accessibles par le téléviseur. Pour cela, nous avons accès aux ressources de World Gate, qui est un leader dans le monde entier pour ce genre de service.

Comme vous pouvez le constater, la câblodistribution est promise à un avenir exceptionnel, puisqu'à partir d'un revenu moyen par foyer souscripteur de l'ordre de 40 $ par mois, nous avons l'opportunité de vendre des services d'accès Internet à Haut Débit, des services vidéo-numériques accrus et la téléphonie, en nous appuyant sur une infrastructure humaine et technologique unique ayant recours à une seule facture, si le client le désire. Cet arrangement, comme vous pouvez l'imaginer, est garant des coûts de livraison les plus bas. Nous avons donc l'opportunité exceptionnelle de quadrupler nos revenus dans chaque foyer desservi, à condition bien sûr de donner satisfaction à nos clients. Vous conviendrez avec moi que c'est là un programme excitant !

Un mot maintenant sur la progression d'Internet et le positionnement privilégié de Montréal dans le développement de cette nouvelle économie mondiale.

La fréquentation d'Internet dans le monde s'est encore accrue de quelque 40 % cette année pour atteindre 513 millions d'usagers, répartis à peu près également entre l'Amérique du Nord, l'Europe, et l'Asie - zone du Pacifique. Au Québec, 33 % de nos foyers sont branchés, soit 20 % de moins que le reste du Canada dont 40 % des foyers sont branchés, et près de la moitié moins que les États-Unis où 61 % des foyers sont branchés.

On estime qu'il y a aujourd'hui à l'échelle du globe 110 millions de sites Internet en service. Songez qu'en 1990, il y en avait à peine quelques milliers !

Des foyers branchés sur le service d'accès Internet haute vitesse en Amérique du Nord, 70 % le sont sur le câble. En effet, la vitesse du modem câble est, dans la pratique quotidienne, près de deux fois plus élevée, de façon consistante, que celle du service DSL offert par le réseau téléphonique.

Des pans entiers de l'économie y basculent jour après jour. Les ménages canadiens s'en servent pour magasiner et acheter en ligne. Les catégories privilégiées pour l'heure sont l'achat de vêtements, de logiciels et de musique. À l'heure actuelle, moins de 2 % des dépenses des ménages se font sur Internet et le potentiel de croissance est donc énorme.

Les entreprises, elles, l'adoptent de façon plus résolue. Internet est devenu l'épine dorsale des communications écrites intra et extra muros des entreprises. À titre d'exemple, les compagnies d'assurances y ont converti tous leurs systèmes de réclamation. Nos clients du câble peuvent ainsi y magasiner l'ensemble complet de nos produits, sans jamais parler à un agent, s'ils le désirent!

Tournons-nous maintenant vers la topographie mondiale d'Internet qui donne à réfléchir.

L'édition de décembre de National Geographic comporte un article intéressant sur la capacité mondiale de transport de données trans-océanien sur fibre optique. Les pays industrialisés sont les principaux bénéficiaires de cette autoroute de la nouvelle économie. Les pays d'Afrique, d'Amérique du Sud, d'Asie et du Moyen-Orient sont laissés pour compte de façon manifeste. M. Vinod Thomas, vice-président de l'Institut de la Banque Mondiale, affirme que les pays qui investissent dans leur infrastructure de télécommunications voient leur niveau de vie bondir.

Il donne, entre autres, l'exemple du Ghana et de la Corée du Sud qui sont partis d'un niveau de pauvreté comparable en 1962. Aujourd'hui, la Corée du Sud, qui a investi dans son infrastructure de télécommunications, a vu sa prospérité exploser, tandis que le niveau de vie est demeuré stagnant au Ghana qui lui ne l'a pas fait. À l'avenir, nos modèles de répartition de la richesse mondiale devront prévoir une façon de corriger cette nouvelle disparité dans le développement des pays.

Plus près de nous, à l'invitation du ministre fédéral de l'Industrie en décembre 2000, plusieurs personnes intéressées par la question des communications ont participé au groupe de travail national sur les services à large bande qui a déposé son rapport en juin dernier. Les recommandations de ce groupe dont Cogeco faisait partie, visaient à rendre une infrastructure de communications à haut débit disponible à tous les Canadiens d'ici 2004. Le comité a recommandé au gouvernement fédéral d'investir une somme de l'ordre de 4 milliards $ pour étendre l'infrastructure aux localités négligées, de façon à leur rendre disponibles les mêmes services que ceux dont jouissent les usagers des grands centres et ce, à des prix comparables. Nos recommandations visaient également à fournir un appui aux ménages moins fortunés, afin qu'ils puissent participer à l'économie du savoir. L'ensemble de ces mesures visaient à éviter que ne se produise à l'échelle domestique le phénomène d'exclusion, d'isolement numérique et économique que je vous décrivais tout à l'heure à l'échelle planétaire.

Notre comité recommandait également que les critères d'investissement par des non-Canadiens dans des compagnies de télécommunications soient révisés et élargis. Ceci nous apparaît également prioritaire. Le marché canadien des capitaux est déjà trop étroit pour combler les énormes besoins de financement en infrastructures de pointe des compagnies de télécommunications canadiennes. À titre d'exemple, notre compagnie a dû s'adresser au marché américain pour combler ses besoins en prêts à long terme auprès de 13 compagnies d'assurances et institutions financières américaines, totalisant 414 millions $ canadiens par voie d'un placement privé clos le 1er novembre. Et, nous sommes loin d'être les plus gros… !!!

Revenons à l'importance des télécommunications et des technologies qui les alimentent.

Tous les chiffres que nous avons vus tout à l'heure au sujet de l'évolution d'Internet pointent vers un développement qui est devenu un des phénomènes sociaux et économiques de notre temps.

En fait, les transformations suscitées par le Web ne font que commencer. Voici quatre indices de ce que j'entrevois pour l'avenir :

  • L'éducation et la formation en entreprise se transformeront vers la formation «just in time», à la demande.
  • En médecine, on ne fait que commencer à explorer les capacités de la télémédecine, que ce soit pour poser un diagnostic à distance ou pour mener une opération chirurgicale.
  • Le secteur du commerce électronique demeure très dynamique et va transformer en profondeur la façon d'opérer des entreprises.
  • Dans le domaine du loisir, on assistera lentement à un déplacement important des publics vers les activités de jeux informatiques en ligne ou individuels.

Malgré tout ce qu'on dira de l'implosion des «dot.com», la vitalité de ce secteur économique demeure élevée. Je pense qu'il suffit de regarder Montréal pour s'en rendre compte. La Cité du Multimédia n'a perdu aucun de ses quelque 60 locataires au cours des deux dernières années. Au contraire, des secteurs entiers de cette industrie du multimédia, où le sort de plusieurs entreprises est intimement lié à Internet, restent en bonne santé. On peut être portés à oublier cela, lorsque l'on considère le Nasdaq qui a fondu de la façon que l'on sait.

Mais, il ne faut pas faire l'erreur de confondre Bourse et économie, le reflet et la réalité. Le reflet du Nasdaq exerce un effet déformant qui laisse croire que le secteur des technologies a fait son temps. Ce serait là, bien sûr, une fausse lecture de la situation.

Un découragement face à la technologie pourrait nous mener à faire de graves erreurs. D'abord, il pourrait provoquer une baisse de ferveur pour un domaine dont le Québec tire maintenant 40 % de ses revenus d'exportation, et la région de Montréal encore davantage.

40 %, c'est beaucoup. Comment peut-on construire sur cet acquis pour combler le déficit de richesse collective qui caractérise le Québec, comparativement à la moyenne du Canada et de l'Amérique du Nord ? Deux pistes d'intervention s'offrent à nous : le capital de risque dans les entreprises de technologies et l'éducation dans les domaines de la technologie.

Parlons d'abord du capital de risque.

Le Québec a effectué un rattrapage considérable à la fin des années 1980, dépassé l'Ontario vers 1992, et disposait en 1999 de près de la moitié des 12 milliards $ de capital de risque sous gestion au Canada.

Toutefois, plus récemment, les parts respectives de l'Ontario et du Québec étaient de 49 % et de 21 % pour les deux premiers trimestres de 2001, consacrant la domination ontarienne.

Par ailleurs, l'on constate que dans un marché technologique qui est maintenant planétaire, où les différences nationales sont peu pertinentes, les entreprises québécoises se lancent dans l'arène avec près de 10 fois moins de moyens que leurs équivalentes américaines et trois fois moins que leurs équivalentes ontariennes.

Nos entrepreneurs sont également affligés d'importantes contraintes structurelles par les financiers de risque. En effet, les conventions d'actionnaires sont tissées comme des camisoles de force : interdiction, sans vote adéquat, d'acheter certains types d'actifs, de nouer des alliances, de fixer des budgets, et ainsi de suite.

L'avantage majeur des Américains tient à une différence très simple : une majorité de leurs bailleurs de fonds, qu'il s'agisse de fonds de pension, de compagnies d'assurance, de fiducies ou de fonds mutuels, ont comme politique de consacrer environ 5 % de leur portefeuille au secteur des technologies.

Il incombe à nos institutions financières de procéder aux ajustements qui s'imposent.

Tournons-nous maintenant vers l'éducation, un sujet qui me tient particulièrement à coeur, là où le constat est malheureusement le même depuis plusieurs années.

Le rythme de production des diplômés de nos collèges et universités ne suit tout simplement pas la croissance des besoins dans les sciences et les technologies.

Alors que le nombre de baccalauréats décernés dans l'ensemble des disciplines universitaires croissait de 22 % entre 1988 et 1996, ceux en sciences appliquées n'augmentaient que de 7 %.

En 1996, les nouvelles inscriptions en sciences appliquées, toutes disciplines confondues, ne représentaient plus que 88 % de ce qu'elles étaient en 1992 !

Le Conseil de la Science et de la Technologie confirme toujours que les jeunes désertent les sciences et les technologies. Tandis que nos économies dépendent de plus en plus de l'enrichissement de la matière grise de nos jeunes dans les disciplines scientifiques et techniques, nos jeunes se désintéressent de plus en plus de ces disciplines.

Mais, il y a pire : les jeunes désertent aussi l'école, tout court. Voici les chiffres les plus alarmants : 25 % des garçons âgés de 19 ans ne terminent pas leur secondaire. Du côté des filles, le niveau d'abandon est moindre, mais sensible quand même : 15 %. Pour l'exprimer dans une formule succincte : nous assistons à un génocide intellectuel.

Que faut-il faire ? Comme toujours, c'est notre détermination comme société qui fera la différence. Je crois qu'il nous faut donc à tout prix :

  • Valoriser la notion de dépassement, de compétence et de discipline personnelle;
  • Encourager la culture de l'effort;
  • Supporter la culture de l'évaluation;
  • Développer le sens de la solidarité humaine et la dimension internationale;
  • Enrichir et valoriser le statut social d'enseignant;
  • Établir des partenariats avec l'entreprise privée; et,
  • Favoriser l'intérêt des jeunes, à la fois pour l'élargissement de la culture générale et des sciences, et ce, dans un équilibre humaniste et productif judicieux.

On a beaucoup parlé de la culture de l'excellence. Comment pouvons-nous aspirer à donner le goût du dépassement aux jeunes, lorsque certains maîtres décident d'adopter des comportements de grévistes qui n'avaient leur justification que dans les années de détresse ouvrière d'avant guerre ? Comment s'intégrer à un réseau d'éducation mondialisé à l'image des systèmes économiques, lorsque certains acteurs du monde de l'éducation protestent parce que la revue l'Actualité ose comparer la performance des institutions de savoir québécoises entre elles et que Maclean's ose comparer celle des universités canadiennes ?

Au lieu de protester, il faut apprendre. Ce n'est pas un hasard si les institutions privées accèdent au haut du palmarès. Le système public devra puiser une partie de ses pistes d'action dans le privé et cesser de parler d'élitisme. Sans cela, nous courons au désastre comme société.

Nos systèmes de référence sont constamment nivelés par la base – c'est le contraire de la culture de l'excellence ! Je pense que nous devrons employer les grands moyens :

  • D'abord, nos universités sont sérieusement sous-financées et l'état ne peut plus y subvenir davantage. Les frais de scolarité universitaires au Québec sont de 1900 $, la moitié de ce qu'ils sont en Ontario et une fraction des frais qui ont cours aux États-Unis. Ces frais doivent être dégelés, sans quoi nos institutions seront marginalisées dans la médiocrité.
  • Le système de bourses valorisant l'excellence doit être supporté pour permettre aux étudiants talentueux dans le besoin de continuer à avoir accès à un système universitaire devenu plus dispendieux. Le collégial et le secondaire ont aussi besoin de systèmes de bourses pour alimenter le réseau.
  • Il nous faut valoriser l'initiative individuelle dans le respect de l'harmonie collective.
  • Les parents ont le devoir d'aider et d'exiger.
  • Finalement, les gouvernements devront avoir le courage de favoriser l'autonomie de nos institutions d'enseignement pour engendrer l'excellence. La bureaucratie uniformisante n'est pas la clef du succès, pas plus en matière d'enseignement, qu'en matière d'affaires municipales d'ailleurs.

Les valeurs de notre société ont été brutalement mises à l'épreuve par les événements du 11 septembre. Indépendamment de ces épreuves, la concurrence économique mondiale appelle au dépassement. La solidité de notre système de valeurs repose entièrement sur les épaules des générations à venir et il incombe à la génération actuelle de mettre en place les rampes de lancement qui favoriseront leur épanouissement.

Voilà donc ce que j'avais le goût de vous dire aujourd'hui, en matière de politique nationale des télécommunications, de financement du secteur technologique et de promotion de l'excellence en éducation. Puissions-nous et nos politiciens avoir le courage de prendre les décisions qui s'imposent.

Merci et bonne journée.

 

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